Mac DeMarco ne s’arrête décidément jamais. À 25 ans, il a déjà réalisé une dizaine de demos, d’EP et d’albums, au sein de son ancien groupe Makeout Videotape et dans son aventure en solo, qui ne cesse de faire du bruit depuis la sortie de Rock And Roll Night Club (2012). Le jeune Canadien, s’il multiplie désormais les dates, dont un world tour cette année, ne correspond pourtant pas à l’image que l’on se fait de la rockstar traditionnelle. Très (trop) souvent qualifié de hipster à tort et à travers, il est certain que sa musique est prisée des milieux underground et plutôt confidentiels de la scène indépendante actuelle. Mais l’autodérision dont fait preuve DeMarco dément à elle seule l’image faussement « hype » ou « posée » que l’on peut se faire de lui.

Armé de sa guitare à 30 dollars, Mac DeMarco livre des compositions empreintes de fantaisie, aux paroles tantôt sérieuses et profondes, tantôt volontairement cliché et ridicules. Il n’est pas rare que l’artiste mêle les deux aspects de sa musique sur scène, interprétant ses slows les plus mélancoliques tout en mimiques et en pitreries, glissant un cri suraigu ça et là. Durant chaque performance, pendant la réalisation de chacun de ses opus, Mac s’éclate – tous ses fans en sont témoins.

Alors qu’en est-il du dernier en date, l’EP Another One, sorti en Juillet ?

Florilège de 23 minutes composé de chansons d’amour, on y retrouve en premier lieu le savoir-faire de DeMarco, aussi bien dans son chant maîtrisé que dans son jeu de guitare bien reconnaissable (pédale chorus à l’appui). Les bends implacables du riff de The Way You’d Love Her annoncent la couleur d’un EP aux mélodies sinueuses, que l’on sent très travaillées. En multi-instrumentiste convaincu, Mac se charge de la section rythmique, de la basse et des synthétiseurs qui parsèment l’opus, élément relativement récent dans son aventure en solo. Sur le titre éponyme Another One, les accords plaqués sur le clavier donnent en effet le ton de la balade, psyché et sensible, illustration parfaite de l’odyssée sentimentale que constitue cet EP. No Other Heart, tout en délicatesse et en continuité de la chanson précédente, sans toutefois renoncer au groove de la basse, en est un prolongement efficace. Without Me, elle, conclut l’album en suite logique de Chamber Of Reflection, titre de son dernier album Salad Days (2014).

Mais si on est ici en présence d’un Mac DeMarco amoureux, transi et mélancolique, celui-ci n’est pas prêt à renoncer aux morceaux sur lesquels il s’amuse le plus, avec leurs solos aigus bondissants. C’est le cas de Just To Put Me Down, et I’ve been Waiting For Her, respectivement pistes 4 et 6, donc au cœur de l’EP.

La composition est ici au centre du travail musical, très soigné et aérien (comme sur A Heart Like Hers, véritable hymne psyché). DeMarco, s’il n’hésite pas à paraître weird et excentrique, est néanmoins un olibrius talentueux, qui s’inspire d’autres zouaves de génie : Jonathan Richman, leader génial des Modern Lovers, est pour lui une référence.

Alors, comment définir le style Mac DeMarco ? Blue Wave, mouvement inclassable du prodige King Krule ? Jangle Pop ? Shoegaze ? Lui ne cache pas qu’il est plutôt content d’être à l’origine d’une musique difficile à définir ; il préfère à toutes ces dénominations le terme « Jizz Jazz » : deux mots originaux, décalés, hype, mais sans prétention. Un peu à l’image de sa musique.

Eléonore Seguin.

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