Ce mois-ci, une chronique extrême pour un groupe qui l’est tout autant, Darkthrone, les princes du true black metal (avec leurs potes de Mayhem). Pourquoi « true » ? Parce qu’ils font parti des instigateurs de ce genre souvent décriés comme issus des confins de la Norvège. « A Blaze in the Northern Sky », deuxième album du groupe – qu’ils considèrent comme leur premier, le précédent étant dans la veine death metal – est aujourd’hui toujours considéré comme un des piliers de ce style dur, brut, haineux, mais tellement pur. Fenriz, membre emblématique du groupe (et postier dans la vie) déclarait que leur passé death se ressentait dans cet album, certains riffs étant clairement death, mais joués de façon black. Bienvenue au purgatoire.

Kathaarian Life Code, première piste, ne prend aucune pincette puisqu’il s’agit ici de la plus longue, avec plus de dix minutes au compteur. Et ce n’est pas la petite incantation ouvrant le jeu qui dira le contraire, occulte à souhait, elle se fait stopper net par un duo guitare/batterie écrasant, faisant passer le plus vilain des pêcheurs pour le petit Jésus en culottes courtes. Le hurlement ne se fait pas non plus attendre, écrasant de puissance, la jouissance purificatrice et cathartique est en place, pleurez devant Darkthrone, rien ne pourra vous sauver.

 In the Shadow of the Horns prend la suite sans aucune marque de douceur. C’est toujours aussi strident, lo fi, et ça sent la rancœur à dix mille bornes. La guitare s’enraille et attise le feu des passions, mais étonnement on commence à y prendre goût, le côté abrupt s’efface petit à petit de nos esprits et la douce mélodie sinistre s’insinue lentement dans les cœurs. Nocturno Culto et sa voix nous poussent un peu plus vers les flammes à chaque riff. Le pire, c’est qu’on en redemanderait.

Allez, quinze petites secondes de répit avant Paragon Belial. On prend les mêmes et on recommence. Même formule : batterie tantôt assommante de lourdeur, tantôt arracheuse de nuque à pleine vitesse ; hurlements dissonants, guitare froide et douloureuse. Mais ça y est, on aime vraiment et on hurle intérieurement avec eux, on se libère, on implose tranquillement, un petit sourire frileux (il ne faut pas exagérer) au coin des lèvres. Chaque son pousse le précédent un peu plus loin, le rasoir n’est plus ébréché, mais plus coupant que jamais.

Et c’est ici qu’a lieu la fin du monde. Que neni ! Des cavaliers de l’apocalypse. Ils trembleraient de terreur devant la déferlante Where a Cold Minds Blow. Le décor étant planté, l’album prend là toute son envolée six pieds sous terre. Tout se déchire, tout éclate, les viscères sont à l’air libre et les vautours Norvégiens (si ils existent…)  viennent se repaître des carcasses déjà gelées. Pas besoin de linceul, en plus d’être une musique, ce titre en est un du plus bel effet (carton assuré en Bar Mitzva).

Avant dernier morceau, le plus court d’ailleurs, l’éponyme A Blaze in the Northern Sky pousse le bouchon encore un peu plus loin, mais l’effet de surprise a disparu et l’on peut désormais enfiler ses pantoufles et dire avec fierté : « J’ai survécu ». Le pire n’est plus à venir, mais bien derrière, buvez un bon grog en écoutant la bande originale de votre propre agonie, en toute quiétude. Hurlons ensemble pour nos vies.

Enfin, The Pagan Winter clôt avec brio, mais sans finesse, le bal funeste. Comme retranché derrière ses instruments, le groupe livre une dernière performance alors empreint de la folie du malheur. On ne sait plus où donner de la tête, les back vocals débarquent parfois en poussant des rires vicieux avant de laisser Nocturno déclamer à nouveau sa décrépitude. La messe est dite lors de la dernière minute, la boucle est bouclée. Un final défaitiste, mais qui sort la tête haute.

A Blaze In The Norther Sky aura définitivement marqué de nombreuses consciences, et que vous adhériez ou pas, essayez-le, l’expérience reste toujours remarquable. Un album haut en noir et blanc, pur, éthéré, symbolique de toute cette mouvance trop souvent rejetée.

B.Pierrard

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