Aussi populaire que J.K. Rowling en Angleterre, Terry Pratchett est un peu moins connu du grand public de notre côté de la Manche. Ecrivain prolifique, mais aussi chevalier – ce n’est pas pour rien qu’on le nomme Sir Terry Pratchett ; il a été anobli par la reine Elizabeth II en 2008 – il est surtout réputé pour la création de son univers titanesque, qu’il déploie dans plus de trente romans : le Disque-Monde. Ainsi, ses Annales du Disque-Monde se sont vendues à plus de 65 millions d’exemplaires.

Naissance de la fantasy burlesque

Les Annales du Disque-Monde, ce sont quarante livres et une poignée d’autre hors-série, qui déploient un univers unique, burlesque : une vaste planète circulaire et plate, supportée par quatre éléphants qui reposent eux-mêmes sur le dos d’une tortue, la Grande A-Tuin, qui vole à travers le Multivers. Terry Pratchett a créé avec sa saga une impressionnante fresque d’aventures épiques et drôle, réfléchie et complexe. C’est un genre nouveau, totalement différent de ce à quoi la fantasy avait pu habituer le lecteur, notamment avec des auteurs tels que J.R.R. Tolkien ; on parlera alors de fantasy burlesque.

Derrière le rire, les idées

En effet, derrière ses jeux de mots et son utilisation drôle et maligne de l’argot, l’écrivain n’hésite pas à tenir dans ses livres un propos politique ou social, à interroger le lecteur sur notre société. Il questionne tous les sujets, aussi divers qu’il soient : la monarchie, l’économie, le cinéma, la poste ou encore la presse ; et sans verser dans un propos moralisateur, il propose à son lecteur des valeurs humaines d’ouverture d’esprit et de tolérance. C’est là la force de l’auteur, qui parvient à jouer sur les registres et les genres avec une finesse rare.

La puissance du traducteur

Cette finesse du contenu n’a d’égale que celle de la forme. Publié en français aux éditions L’Atalante depuis le début des années 1990, les ouvrages de Terry Pratchett sont traduits par Patrick Couton. Celui-ci précise que l’humour très anglais et subtil de l’auteur n’est «pas facile à traduire, mais amusant ». Sa plus grande difficulté a été de s’attaquer aux jeux de mots et néologismes du texte original, et il explique «Certains jeux de mots du texte anglais étaient intraduisibles, je les laissais tomber, mais je rétablissais la balance en en inventant un autre, pour que le lecteur français ait le même nombre de blagues. Certains lecteurs anglais francophones achetaient aussi la version française ! ». Ses prouesses linguistiques lui vaudront en 1998 le grand prix de l’Imaginaire pour l’ensemble de ses traductions des Annales du Disque-Monde.

« AT LAST, SIR TERRY, WE MUST WALK TOGETHER. »

Personnage emblématique et récurrent des romans de Terry Pratchett, la Mort a emporté son auteur jeudi 12 mars dernier. Sur le compte Twitter de celui-ci, on peut lire ces mots :

La Mort, qui s’exprime systématiquement en majuscule dans l’univers du Disque-Monde, emporte Terry Pratchett sur ces mots : « DESORMAIS, SIR TERRY, NOUS DEVONS MARCHER ENSEMBLE. » Il est ensuite écrit :«Terry a pris le bras de la Mort et le suivit à travers les portes et dans le désert noir sous la nuit éternelle ». Et, c’est avec beaucoup de délicatesse que le dernier mot vient conclure la vie de ce grand écrivain : « Fin. »

Lorsqu’il avait été anobli, Sir Terry Pratchett avait choisi comme devise « Noli timere messorem » , c’est-à-dire : « Ne crains pas le faucheur ». Il était atteint d’une forme précoce de la maladie d’Alhzeimer, et avait pris position en faveur de la légalisation du suicide assisté au Royaume-Uni.

Vavi Bouquine

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