Vous rêvez d’un monde déprimant, où règne une atmosphère lugubre, où « tous vos rêves deviennent réalité » ? Et bien, n’attendez plus, précipitez-vous à Dismaland : « l’endroit le plus joyeux au monde » ! Certains diront que c’est une blague à l’humour britannique, de mauvais goût ; d’autres diront que c’est un endroit atypique, dénonçant une société de loisir actuelle. Laissez-nous alors vous faire la visite de « The place to be ».

Mais quel est cet étrange lieu ?

D’une idée du célèbre street artist Banksy, Dismaland devient réalité le 21 août 2015 à Weston-Super-Mare, sur la côte sud-ouest du Royaume-Uni. Aux antipodes de Disneyland, Dismaland serait l’endroit le plus cauchemardesque au monde, mais bien celui où tout le monde devrait être. Banksy, on ne sait pas qui c’est… Cet homme transparent, le célèbre fantôme du street-art, n’a laissé que son empreinte d’artiste, et de dénonciateur. Personne ne connait son visage, personne ne saurait le reconnaître s’il se cachait dans le parc, et pourtant, c’est bien lui qui se cache derrière cette réalisation aussi bien extraordinaire et ambitieuse qu’impressionnante et terrifiante.

C’est donc dans cette partie de l’Angleterre que Banksy a voulu y écrire une partie de son histoire. « Tout a commencé avec un rat », à la différence de Walt Disney et sa petite souris ; l’ambiance est froide, lugubre, cauchemardesque, le personnel peu plaisant, le lieu vide, tel une gigantesque usine désinfectée. Non, ne partez pas !! Malgré cet esprit, le coup d’œil en vaut la chandelle. En face de vous se dessine le château de la Belle-au-bois-dormant noir et en ruine, plus loin une pêche aux canards recouverts de pétrole, à votre gauche un magnifique manège de chevaux transformés en lasagne et des bateaux radiocommandés de migrants au visage triste et perdu. Si vous avez raté l’accident de Lady Di, allez faire un tour près du carrosse de Cendrillon renversé, et demandez quelques informations aux nombreux paparazzis s’y trouvant !

Cet endroit ne vous plaît toujours pas ?! Faites un effort voyons ! Le personnel n’est pas très accueillant certes, mais ce n’est qu’un détail. Bien qu’ils soient dans tous les coins du parc, dos vouté, désespérément heureux de vous voir, vous ne pouvez que les (dés)apprécier. Les ballons portés par l’un d’eux « I’m an imbecile » ne peuvent que vous faire plaisir. Avouez-le, il en faut beaucoup pour vous terrifier !

« Le conte de fée est terminé » Banksy

Loin du petit coin de paradis de Walt Disney, où ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, Banksy veut dénoncer la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. A travers ses réalisations détournées de l’actualité, le roi incontesté du street-art ne cesse de nous surprendre. On connait tous « Napalm », l’œuvre datant de 1994, où Banksy a courageusement mis côte à côte Mickey (fameux personnage Disney) à gauche, Ronald MacDonald à droite, et au centre une jeune vietnamienne brûlée au Napalm. Dénonçant l’agissement inhumain des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, Banksy veut montrer que le monde marche sur la tête !

Ce parc n’est pas seulement une plaisanterie de mauvais goût de la part de l’artiste, il ne l’est pas du tout d’ailleurs ! Banksy ne réutilise que les codes de la société de consommation en les détournant, pour en faire de la contre-culture. Une contre-culture grotesque me direz-vous ? Certes… Mais quand on lit les mots suivants de l’artiste, on se dit que l’idée n’est pas si ridicule que cela : « le monde marche comme un somnambule vers une catastrophe climatique ; pour ce qui est de s’évader, il va peut-être falloir attendre. ».

Notre société de loisir touche le fond, et muni de ses 58 associés artistes, Banksy nous le prouve et veut nous ouvrir les yeux le temps de 5 semaines dans son « petit coin de paradis cauchemardesque », mais en réalité, dans notre petit coin de paradis qu’est la terre !

Aline Julliat

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