Avec un troisième opus : « Bruxelles », Boulevard des airs est en ce moment même en pleine tournée partout en France et ce jusqu’au mois de Juin prochain. Les dates s’enchaînent et les salles se gonflent de spectateurs curieux et impatients ;  les neuf membres s’activent sur scène pour donner le meilleur d’eux même. C’est un concert entrainant, familial, chaleureux et phénoménal que nous a proposé Boulevard des Airs le vendredi 13 novembre au Radiant Bellevue à Caluire-et-cuire, près de Lyon. C’est dans les coulisses du Radiant, après le concert, qu’Aline vous fait part de sa rencontre avec le chanteur du groupe : Sylvain Duthu.

TM : Comment vous vous êtes rencontrés ?

SD : En 2004, on était dans le même lycée. Pour être exact, je fais de la musique depuis tout petit avec Laurent, le bassiste, et c’est en 2004 que j’ai rencontré Florent, l’autre chanteur, au lycée Marie Curie à Tarbes. On a monté un petit groupe comme pleins d’autres jeunes. On avait envie de faire nos compositions, d’écrire nos textes, et c’est parti comme ça ! Florent, c’était un pote à moi, mais je ne le connaissais pas vraiment, j’étais allé le voir justement pour monter un groupe. J’écrivais déjà à l’époque et je cherchais des musiciens. Lui était musicien et c’est à partir de ce moment la qu’on est devenu amis.

TM :  Le groupe s’est donc constitué au fur et à mesure de tes études ?

SD : Ça s’est fait doucement, progressivement. Comme tous les groupes qui se sont formés au lycée, on ne fait que répéter. On ne peut pas prétendre remplir des salles. Les seuls concerts sont les soirées avec les copains, ensuite c’est des bars. Pendant un an ou deux, on a fait la tournée des petits bars à Tarbes, à Toulouse, puis au fur et à mesure, on a commencé à faire des festivals. Mais à ce moment-là, on était encore des amateurs, on n’était presque pas payé, jouer revenait cher au final. On a continué à tracer notre route et nous voilà aujourd’hui, ça s’est fait assez naturellement. On a la chance de bien s’entendre, de bien se comprendre, on a donc continué à faire des concerts de plus en plus loin, de plus en plus grand et l’année 2008 a vraiment marqué un tournant,  le groupe est devenu notre priorité au vu de l’ampleur que ça prenait. On voulait devenir plus professionnel, en 2011, on est finalement repéré, un cap est passé.

TM : A qui devez-vous ce changement de cap ?

SD : A un attaché de presse indépendant. A l’époque, il  s’occupait de M, et de Placebo en France. C’est lui qui a découvert Vianney par exemple. Il va chercher des groupes qui ne sont pas connus puis les emmènent le plus loin possible. Aujourd’hui, c’est devenu notre manager, notre papa !

TM : Vous êtes basés à Toulouse ?

SD : Non, à Tarbes principalement, à 1h30 de Toulouse. C’est là où on répète, où on a notre studio, c’est là où habite la plupart des membres du groupe. On est quasiment tous originaire de ce coin, à part Manu à la trompette.

TM : Un petit mot sur la composition du groupe ?

SD : Il y a neuf musiciens sur scène. C’est un groupe qui est composé d’une basse, d’un trombone, d’un saxophone, d’une trompette, d’un clavier, de deux guitares : électrique et acoustique,  et de deux chanteurs.

TM: En ce qui te concerne, tu te définirais plus comme chanteur, musicien ou les deux ?

SD : Non moi maintenant je suis chanteur. Avant, je jouais beaucoup d’instruments, mais petit à petit je me suis consacré exclusivement au chant. Je ne chante pas très bien (rires) mais je ne fais plus rien, à part chanter.

TM : Quelles sont les personnes qui t’ont encouragé à te lancer dans la musique ?

SD : Je ne sais pas pourquoi j’ai fait de la musique, j’avais cinq ans, je pense que ce sont mes parents qui m’y ont poussé et l’école de musique également. Ça m’a plu, j’étais plutôt bon au piano et à la batterie, ça m’a donné envie de continuer.  Mais je n’avais jamais envisagé de faire une carrière. C’est Vincent Delerm qui est auteur-compositeur-interprète, qui par son écriture m’a donné envie d’écrire, de chanter, de composer. C’est même grâce à lui que je dois le nom du groupe, il a sorti une chanson en 2003 qui s’appelait « un soir boulevard Voltaire ». Au début, j’avais appelé le groupe : « Un soir Boulevard des airs », mais c’était trop long donc on a seulement gardé « Boulevard des airs ».

TM : L’as-tu déjà rencontré ?

SD : Je l’ai déjà rencontré oui… mais je ne lui ai jamais dit la vérité ! (rires)

TM : Quel était ton rêve de gosse ?

SD : Ce n’était pas musicien ! Ce n’est pas un gros rêve, mais je voulais  devenir instituteur.

TM : Comment ça se passe concrètement dans le groupe, qui fait quoi ?

SD : On se retrouve chez nous, dans notre studio. On est 5 à composer : Florent, Jean-Noël, Manu, Jeremiah et moi. Chacun est à son ordi, on propose des idées, on  échange. J’ai écrit la plupart des textes du groupe, à part sur le deuxième album où c’est Manu (le trompettiste) qui en a écrit deux ou trois. Sur ce troisième album, tout le texte est de moi  à part celui en espagnol. On s’attaque d’abord à la musique, et j’écris par-dessus. Chaque morceau est écrit différemment.

TM : Est-ce que tu te considères comme le meneur du groupe ou les rôles sont plutôt bien répartis ?

SD : Florent et moi, les deux chanteurs, on a créé le groupe, et on le « manage » en quelque sorte, même si je n’aime pas beaucoup ce mot. On dit plus souvent qu’on mène la barque en fait, car on est beaucoup dessus, nous on décide de l’endroit où il faut la mener, on trace un chemin.

TM : Quelles sont tes références musicales, tes influences, tes sources d’inspiration ?

SD : On en a énormément ! C’est pour ça qu’on a créé un groupe, c’est parce qu’on était fan de musique. Par exemple, Jahno (Jean-Noël) est un grand fan de rock, métal, folk. On écoute plein de trucs. On peut écouter de la musique africaine et juste après écouter quelque chose qui n’a rien à voir ! Personnellement, je n’ai pas forcément de mecs qui m’inspirent. J’écoute beaucoup des gens comme Vincent Delerm, Thomas Fersen… Je ne fais pas forcément comme eux, c’est juste qu’ils m’inspirent. On a la chance d’enregistrer à la maison donc on fait absolument ce qu’on veut, et ça c’est une liberté totale. Et c’est vrai que, quand l’album est terminé, il peut y avoir un morceau flamenco, et juste après, un morceau très folk. Donc, absolument tout ce que je peux vivre m’inspire, la vie en général.

TM : Tes chansons adoptent quand même un côté dénonciateur, pourquoi ce choix-là ?

SD : En fait, ce n’est pas un choix. Ce côté dénonciateur, c’est personnel dans mon écriture. Ça vient de moi. Je m’intéresse beaucoup à l’économie, à la politique, à la société, de par mes études. Et à l’époque par exemple des Appareuses Trompences, c’est venu comme ça. Ça dépend, dès fois, tu peux te lever et écrire une chanson d’amour, ou tu peux te lever et écrire une chanson « engagée ». Ça dépendra de ce que tu ressens à ce moment-là. Dans la vie il y a des choses qui te révoltent, qui te font râler, qui te font aimer, qui te font rigoler… Je trouve que c’est important de le dire, le tout c’est d’écrire. Dans le premier album, il y a plein de chansons engagées et moins dans le troisième, c’est parce que j’avais l’impression un peu d’avoir tout dit. Dans les premiers albums, j’ai fait le tour. En tant qu’artiste je n’ai surtout pas envie de me répéter même si ce n’est pas évident. C’est une peur d’ailleurs. Il faut inventer tout le temps. Il y a un morceau dans le dernier album qui est dénonciateur, il s’appelle « Laisser faire », certains ont interprété les paroles en disant : « ils sont tous pourris », ce n’est pas vraiment le message que j’ai voulu faire passer. C’est plutôt le fait de traiter la question des élites sous un regard un peu nouveau qui est le « syndrome de Stockholm, voter pour ses bourreaux… ». Pour moi, c’était juste une boutade.

TM : Vous mettez à l’honneur l’Espagne dans votre dernier album, pourquoi ?

SD : Parce qu’on aime énormément ces influences : du flamenco, Manu Chao, en passant par Ska-P. Celle qui chante sur le premier morceau, c’est une fille qui a intégré le groupe, elle s’appelle Mélissa. Maintenant, elle fait partie de BDA, et remplace Kevin, le saxophoniste qui est parti. Il se trouve qu’à la base, c’est une chanteuse de flamenco. C’est Florent qui l’avait rencontré sur un spectacle, il lui avait demandé de faire un featuring avec nous sur une chanson. Au final, elle est restée avec nous jusqu’au bout pour faire l’album. Notre régisseur est espagnol, notre batteur est espagnol, on habite à 1h30 de l’Espagne… voila les raisons de ces influences.

TM : Vous êtes passé d’amateur à professionnel il n’y a pas si longtemps, vous avez fait une tournée en Argentine, votre titre « Emmène-Moi » est passé sur toutes les chaines de radio… Es-tu surpris de cette ascension ?

SD : Ça s’est fait progressivement, on n’est donc pas très surpris. Mais c’est toujours impressionnant de voir qu’on est capable de remplir des salles de 1500 personnes aujourd’hui,  c’est fou !  Le tout premier album a été disque d’or, le groupe existe depuis 11 ans, on récolte en quelque sorte ce qu’on a semé depuis quelques années.

TM : Si je te dis le mot « scène », tu penses à quoi ?

SD : C’est plein d’images à la fois. La scène, c’est la raison pour laquelle on fait de la musique. Si on fait de la musique, ce n’est pas forcément pour faire un album –même si c’est cool- ce n’est pas forcément pour répéter –même si c’est cool- c’est vraiment pour être sur scène,  être ensemble, avec un public ci-possible…C’est un moment convivial, un moment de partage entre le groupe et le public, c’est vraiment particulier comme sensations. Pendant tout le concert, tu te laisses aller, tu peux t’être fait largué dix minutes avant, une fois que tu montes sur scène, tu n’y pense plus. Cette puissance, cette magie de la scène, c’est ce qu’il faut retenir.

TM : Quel est ton meilleur moment justement sur scène lors de cette dernière tournée ?

SD : C’est l’ensemble de la tournée en fait ! Le fait de pouvoir enchaîner les concerts, d’aller d’une ville à une autre, de voir qu’il y a encore des gens qui sont là, de plus en plus nombreux. C’est encore récent, et tout se mélange.

TM : Et votre moment le plus difficile ?

SD : Lors du premier concert de la tournée à Toulouse, Manu ne l’a pas terminé, il a eu un petit malaise. C’est un moment qui n’a pas été super pour lui. Mais on a eu une grosse frayeur ce soir, à un moment, le pianiste s’est retourné vers moi et m’a dit :  » j’ai plus de piano, il ne marche plus, il faut qu’on retire des morceaux… ». J’étais horrifié, le problème venait d’une prise qui était cassée, ils ont dû aller en chercher une autre et tout est rentré dans l’ordre heureusement. La pire chose qui puisse arriver, c’est d’être contraint d’enlever des morceaux.

TM : Avant d’entrer sur scène, vous avez un rituel tous ensemble ?

SD : Oui bien sûr. On se rassemble comme une équipe de sport, on est tous en cercle et on dit des conneries, et c’est parti !

TM : Le logo, c’est un cercle avec tout autour les initiales de Boulevard des airs, une croix au centre et une sorte de gribouillage, plutôt original ?

SD : Oui, c’est notre tromboniste Jean-Baptiste qui un jour a tenté un dessin sur son ordi et nous a demandé notre avis. On lui a dit que c’était cool  et on l’a gardé. Il nous suit tout au long de notre tournée.

TM : Ce soir , c’était quoi ta sensation juste après le concert  ?

SD : C’était cool. On avait pas mal de soucis techniques ce soir. Mais c’était une des plus belles dates de la tournée, les gens ont tellement donné que ça s’est super bien passé !

TM : Quel est le rapport que tu souhaites entretenir avec le public ?

SD : Celui que tu as pu voir ce soir, une générosité partagée, à revendre, et même pendant le concert, un des membres m’a dit : « même dans des grandes salles comme le Radiant, on se sent comme à la maison ». Ça vient du fait que l’on interagit beaucoup avec le public. Il est là comme un dixième musicien. À la fin du spectacle, on descend au centre du public et on chante notre dernière chanson avec eux. On veut vraiment être ensemble. On passe une heure avec les gens, pour signer des autographes, pour discuter avec certains. C’est un rapport chaleureux et généreux que l’on veut transmettre.

Propos recueillis par Aline Julliat.

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